Tiré d’un roman de Jane Austen, l’action se déroule au siècle dernier en Angleterre. Lorsque Monsieur Dashwood décède, son épouse et ses trois filles doivent réduire considérablement leur train de vie. Elinor, Marianne, Margaret et leur mère quittent donc leur magnifique propriété, qui revient en héritage au fils d’un premier lit du défunt. Elles s’installent dans une modeste demeure de la campagne du Devonshire, qui leur ai prêté gracieusement par leur cousin. Les héroïnes du film sont les deux ainées, Elinor et Marianne, tandis que leur mère désespère à leur trouver un bon époux. Elinor est une jeune fille posée, sage, raisonnable. Elle est amoureuse depuis longtemps d’Edward Ferras, un riche hérité dont elle est vaguement cousine, mais la différence sociale semble compromettre leur union.
Sa sœur Marianne baigne dans un romantisme constant qui lui joue de mauvais tours, puisqu’elle s’amourache du pire Don Juan de la région, Sir Willoughby qui joue avec ses sentiments, la séduit puis la rejette. À l’inverse le commandant Brandon, qu’elle a éconduit est parfaitement fou d’elle, attendant patiemment son heure. Le film insiste sur les différences sociales en tant que frein ou moteur à une ascension qu’elle soit sentimentale ou pécuniaire, dans une Angleterre puritaine et bien pensante, soucieuse des traditions. D’où le titre de l’œuvre qui fait la distinction entre la raison et les sentiments quand il s’agit de sauver son honneur et de mener une vie décente. C’est Elinor qui redonnera gout à la vie à sa sœur, après avoir elle-même été grugée par son amoureux, le bel Edward qui s’est précipitamment marié avec une intrigante qui n’en veut qu’à sa bonne fortune. Les deux sœurs souffrent ainsi et se soutiennent l’une l’autre dans leurs déboires amoureux. Le colonel Brandon qui déclame des poèmes à Marianne finit aussi par la réconforter et l’épouser. Edward déshérité par sa famille et que son épouse lui a rendu sa parole, il est désormais tout à fait libre d’épouser Elinor, ce qu’il s’empresse de faire.
Dans un cadre magnifique et bucolique, l’histoire oscille en permanence dans les bons sentiments, irrépressibles, contenus ou plutôt prescrits pour pouvoir assumer un rôle dans ce milieu bourgeois empli de convenances de l’époque. Les jeunes filles sont tiraillées entre leur ressenti émotionnel et l’envie de bien réussir leur vie. Elles ne souhaitent pas renoncer à l’amour et c’est d’ailleurs l’amour qui triomphera alors qu’elles pensaient n’avoir à faire que des concessions et se contenter d’une vie des plus tièdes. Elles apprennent que l’amour s’apprivoise, et alors qu’il se doit d’être conventionnel, elles comprennent qu’il peut aussi changer, se transformer, disparaître ou subitement revenir avec de nouveaux sentiments. Un peu comme dans un ballet où tout n’est jamais finalement joué, et laisse la place à la fois à la l’imprévu, mais aussi à ce que l’on désire finalement le plus. Les paysages dans lesquels le film est tourné concourent à offrir une atmosphère lyrique et poétique.
Le temps est rythmé par les sentiments. Un film magnifique, romantique à souhait !