Le film raconte la fuite en avant de deux êtres qui s’aiment passionnément, Sailor et Lula. Ils doivent sans cesse échapper à la mère psychopathe de la jeune femme, qui s’oppose à leur liaison. Marietta les traque avec son amant, le terrible Santos. Le personnage de Marietta incarne la plus totale déshumanisation maternelle qu’il soit. Elle veut nuire à son enfant et ne se préoccupe pas de son bien-être, au contraire. Elle fait tout pour entraver sa progression dans la vie, alors qu’elle a conscience de lui avoir fait vivre une enfance des plus décousues et douloureuse. Elle n’a aucune conscience filiale si ce n’est celle qui la pousse à imposer son pouvoir sur Lula. Au cours de leur cavalcade, les deux amoureux rencontreront toutes sortes de personnages déjantés, dans une atmosphère sombre, caractéristiques des sujets du réalisateur.
Les médias sont également très présents et la télévision débite sans cesse actualités sordides, durant le déroulement de l’histoire. La violence est partout. Ils semblent ne pouvoir y échapper, elle les rattrape constamment sous quelque forme que ce soit. Adapté du roman Wild At Heart, Lynch met en scène la crise existentielle de chaque personnage et plus particulièrement celle des deux principaux protagonistes. Ils errent dans un monde absurde et sans repère éducatif, familial, et tentent de sauver leur peau. Leur amour fou les motive dans cette éternelle quête tandis qu’ils cherchent à le vivre simplement, loin de ceux qui leur nuisent. Ils prennent la route, espérant ainsi accomplir leur rêve de vivre ensemble. Le film est truffé de référence aux héros et célébrités de l’Amérique, au fur et à mesure qu’ils font des kilomètres, et Lula répète sans cesse qu’elle souhaite se rendre « over the rainbow » comme dans la chanson culte. Les images et les couleurs sont crues, le désarroi des personnages est palpable, ils semblent avoir grandi sans repères et essayer de se sauver l’un l’autre de leur misérable vie. L’environnement est glauque, le romantisme est loin, mais pourtant, l’amour est bel et bien présent sur la pellicule. Ils repartent sans cesse à la recherche d’un paradis qu’ils ne trouvent jamais, étant eux-mêmes relativement dérangés dans leurs comportements et attitudes. Ils ont vécu des traumatismes qu’ils se racontent sans réellement montrer d’émotions alors qu’ils sont des êtres brisés. Par rapport à ce vécu, leur amour indéfectible contraste et apporte la touche rassurante à ce film plutôt noir, même si l’issue semble, quoi qu’il en soit, désespérer. Leur route s’arrête à la frontière mexicaine, dans une ville où échouent tous ceux qui fuient l’impérialisme américain, repris de justice, criminels, et laissés pour compte.
La fin du film mélange univers fantastique et réel. Sailor et Lula, dans leur monde imaginaire, chantent en plein milieu d’une route bondée, les paroles de « Love me Tender » d’Elvis Presley. L’image est forte et le couple apparait alors, tel un pilier ou un rempart contre la fureur du monde alentour. Leur histoire d’amour et le lien profond qui les unie l’un à l’autre parait braver toute la laideur du monde durant le film, celle qu’ils ont vécu, celle qu’ils rencontrent, celle qui les attend. Malgré l’esprit « no futur » l’histoire fait de ces deux paumés des passionnés magnifiques, prouvant que la misère la plus tragique, et les horreurs quotidiennes se vivent définitivement différemment à deux, portés par une fascination réciproque.
Un film culte qui a marqué les esprits par son esthétique particulière et la personnalité de ses héros, des amoureux bien plus trash que les autres.