Entre conte fantastique et religion, il se raconte que Lilith, la démone aux longs cheveux et aux ailes, pénètre dans les foyers des hommes seuls pour les séduire. Quant aux femmes, elle les menace, elles et leurs progénitures, lors de leurs accouchements.
Lilith, dont le nom signifie « nuit », apparaît notamment dans le Livre d’Isaïe, qui raconte les errances du peuple juif, de Babylone à Jérusalem. Le monde, qui n’est que désolation, y est cruellement envahi de créatures maléfiques à son image. On la retrouve également dans le Talmud, toujours aussi charmante…
Plus tardivement, c’est la Kabbale qui reprend le mythe originel d’Adam pour le confronter à cette première épouse qui n’a rien de la tendre et sublime tentatrice Ève. Le récit évoque la création d’une Lilith, conçue en même temps que le premier homme, à partir d’un morceau de terre bien plus impur que pour lui.
La salissure qui la fabrique fait d’elle la plus démoniaque des compagnes dans le Paradis d’Adam. Incompatible, laide, effrayante, méchante elle n’a rien de l’épouse dont il a tant rêvé. Dieu la punit en condamnant à l’avance tous les enfants qu’elle pourrait mettre au monde. Par esprit de vengeance, elle persécutera les futures mères et les nouveau-nés, sans répit. Elle asservira les hommes, profitant de leur sommeil pour entrer par leur fenêtre et les séduire. Elle est l’incarnation du mal. Elle partage la couche d’Adam dans le jardin d’Éden, alors qu’elle le répugne. Ayant toutes deux une très haute opinion d’eux-mêmes, leur alliance ne peut fonctionner. C’est alors qu’apparaissent la douceur et la beauté faite femme : Ève. Lorsqu’elle la découvre, Lilith ne peut supporter l’idée d’être détrônée.
Elle prend l’apparence du serpent et fomente un plan pour nuire à cette œuvre plus que parfaite de Dieu. Elle met tout en œuvre pour tenter la jeune innocente et lui faire croquer dans le fruit défendu par Dieu, entraînant le couple vers la bassesse, le doute, les faisant chasser du jardin d’Éden, offrant à l’humanité son lot de misère et de maux. Lilith représente la tentation, elle est capable de se métamorphoser pour accomplir ses funestes actions. Elle est la terreur et les ténèbres, et endosse par la suite la physionomie de bien des êtres monstrueux dans la plupart des mythologies.
Avant la perfection d’Ève, il semble donc qu’il y ait bien eu, son exacte opposée, parce que l’univers tout entier est fait de ces ambivalences. Il n’y a donc pas de raison pour que le paradis et Adam dérogent à cette règle qui oppose éternellement le bien au mal, le beau à la laideur, la bienveillance à la cruauté. L’histoire de Lilith est celle de l’ambiguïté de l’humanité, incapable de résister à ses pires travers. De nombreux artistes, poètes, écrivains, s’empareront du mythe de Lilith pour créer des œuvres où le désir, la part sombre, le mystère, la sorcellerie et l’emprise sont mis en scène.
Lilith, héroïne maléfique, insoumise et insubordonnée à Adam et à Dieu, devint même l’emblème des féministes dans les années 70.